Mercredi matin. 9h26, gare de Bois-Colombes. Je suis dans le train, bondé, avec Jeanne qui me tient la main et Louise qui lève la tête de sa poussette pour vérifier que je suis toujours là . Nous allons à l’ambassade de l’Ouzbékistan. J’ai l’impression que le voyage commence ce matin. Jeanne me demande où vont tous ces gens. Au travail, ma belle.
« Et bah nous on va pas à l’école aujourd’hui. On prend juste le train. » clame Jeanne haut et fort.
Oui bon tout le monde n’a pas notre  chance ma chérie. Et puis on prend le train c’est vite dit. Ca parait aussi magique que regarder la Reine de sneiges dans sa bouche.
Mais en fait on vient juste de sprinter sur le quai pour pas  rater le train. On est dégoulinantes  parce qu’il pleut. On travaille pas nous mais maman est méga stressée. Pourquoi? Parce que je déteste les autorités et la paperasse administrative. Et qu’aujourd’hui je suis servie. Comme un petit défi : déposer un dossier pour notre visa ouzbek, avec enfants (c’est plus marrant). Et je déteste prendre les transports en commun avec poussette. Essayez vous comprendrez !
Bref, finalement on arrive devant l’ambassade de l’Ouzbékistan rapidement. Une mini porte en bois symbolise le numéro 22 de cette petite rue près de Madeleine (comme mamie? – oui tout pareil ma jaja). On entre toutes les trois, et après une courette on arrive au bureau de dépot des visas. Tout petit. Rien que nous. Bon début. Je coince les filles sur des chaises avec Pomme d’api et Popi et je m’approche du comptoir avec baie vitrée. Derrière une dame qui me rappelle la physionomie des  tibétaines et qui murmure un bonjour est accrochée une peinture gigantesque de Samarcande. Magique. La peinture est pas si grande mais occupe tout le mur du fond… on s’y croirait. En images c’est déjà superbe, ca promet!
« Formulaire. Photos. Passeports. »
Oui c’est vrai, allons à l’essentiel. Samarcande et ses charmes, on verra ça plus tard. Je sors ma petite pochette que j’ai vérifié 15 fois. J’ai fait mon cartable la veille comme une écolière (ou une maîtresse finalement). Je tends mes papiers, un peu hésitante comme toujours quand je suis face à des autorités, des officiels. J’ai toujours l’impression, ridicule, que je vais limite finir en prison.
Les filles sont sages comme des images. Je m’étais imaginée une file d’attente. Comme s’il y avait foule de gens qui allaient en Ouzbékistan! Je m’étais imaginée Jeanne et Louise se courant après en hurlant. Je m’étais imaginée une pièce oubliée, un refus. Mais non, la dame relève la tête de mon dossier « 180 € ». C’est comme un oui. Reste juste à payer et dans une semaine on aura les premiers visas collés dans nos passeports. C’est parti. Presque. C’est bon ca.
En sortant j’offre à Jeanne et Louise une sucette -anti-éduactive- chacune. Cachées dans ma poche, elles constituaient mon issue de secours pour échapper à un scénario catastrophe pleurs-disputes-cris-attente. Vivement ce soir que je raye sur l’échéancier de l’Ipad « visa ouzbek ».